LE CANTAL HISTOIRE

C’est le 4 mars 1790 que fut créé le département du haut-pays d’Auvergne en application de la loi du 22 décembre 1789. Il prit le nom du massif principal des montagnes qui le couvrent, les monts du Cantal et particulièrement de son point culminant le Plomb du Cantal (1858 m).

Superficie : 5 726km² – population moyenne : 154 931 h. – altitude moyenne : 710m – 27 cantons, 260 communes
Chef-lieu de département : Aurillac – 3 arrondissements : Aurillac, Mauriac, Saint-Flour
Point culminant : Plomb du Cantal (1858m)

 

■ Le peuplement du Cantal a commencé vers 13 000 – 10 000 ans avant J.-C. en raison du caractère montagneux de la région, mais aussi parce qu’elle n’a pu être accessible qu’après la disparition des glaciers.

Les plus vieilles traces humaines ont été découvertes dans le bassin d’Aurillac, là où se trouvaient des gîtes de silex de bonne qualité, des rivières et des herbivores, gibier recherché par les Néandertaliens.
Au fur et à mesure que le climat se réchauffait, les hommes s’élevèrent vers les sommets en s’établissant sur les territoires des actuelles communes de Saint Chamant, Chalinargues, Molompize, Raulhac et Collandres.

C’est vers 6 000 – 5 000 ans avant JC que l’agriculture fit son apparition; cultures et élevage firent alors reculer la forêt. De nombreux outils, des tessons de poterie confirment la présence d’agriculteurs sédentaires. Les tumuli, la pratique de l’incinération ou l’érection de mégalithes sont autant de preuves des pratiques religieuses de ces populations. La planèze de Saint-Flour concentre un grand nombre de sites liés à cette période, à Villedieu, Coltines, Roffiac, Loubaresse, Saint-Georges, Les Ternes.

Vers 100 avant JC, les Celtes venus du Nord, s’implantèrent dans le massif volcanique. Ces petits groupes ont laissé peu de traces de leur implantation, excepté dans la toponymie. Le mot Cantal viendrait d’un terme celte cant signifiant brillant.

■ La romanisation commencée après 52 avant JC dissémina de nombreuse villas dans l’ouest et l’est du Cantal. On note l’existence d’environ 300 lieux s’achevant par le suffixe [-acum] qui permet de mesurer le degré de romanisation. Ainsi Aurillac doit son nom à un certain Aurelius, propriétaire d’un domaine sue le site actuel chef-lieu du département.

Agriculture et échanges permirent le développement de l’économie locale durant cette période, comme en attestent les nombreux vestiges laissés dans la vallée de la Jordanne et de la Cère : tombes avec urnes funéraires, statuettes, un magnifique sarcophage de marbre découvert sur la place de la Mairie d’Arpajon-sur-Cère, les vestiges d’un fanum (temple rural dédié à Apollon) retrouvé dans la zone industrielle d’Aron.

La christianisation débuta à la fin du IIIème siècle. Elle fut l’œuvre de Saint-Mary et Saint-Mamet, disciples de saint Austremoine mais aussi de Saint-Flour venue de Lodève. Bien des lieux portent le nom de l’un de ces évangélistes.
Durant le haut Moyen Âge, mal connu en raison du manque de sources écrites, l’insécurité régna, même si le Cantal fut peu touché par les invasions, malgré la persistance de quelques légendes locales.

En 507, les Francs s’installèrent en Auvergne; un comte nommé par le roi dirigeait alors la région. L’affaiblissement du pouvoir royal fut à l’origine de nombreux troubles et la Cantal subit tour à tour l’influence du pouvoir royal et celle du duc d’Aquitaine.

■ Le Cantal au Moyen-âge

L’Auvergne méridionale qu’on appelait aussi « pays des montagnes » était au Moyen-âge entre les mains de grands féodaux. les deux plus puissants d’entre eux, l’abbé d’Aurillac dont l’établissement avait été fondé en 894 par le comte Géraud, et son voisin le vicomte de Carlat se disputèrent âprement sa possession. Cependant le roi de France veillait. Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, eut comme mission d’organiser le pays et d’y installer les rouages de l’administration royale.
Il installa en 1250, le bailliage des Montagnes d’Auvergne dont le ressort s’étendait sur les pays d’Aurillac, de Saint-Flour et de Mauriac.
Alphonse de Poitiers tenta avec succès, d’attirer sous son autorité les détenteurs des seigneuries au détriment du vicomte de Carlat, comte de Rodez. Ce dernier entra donc en conflit avec le roi. Tout se régla en 1268 par un traité très favorable à la cause royale. Dès lors, les progrès du pouvoir central se poursuivirent grâce à l’action sur le terrain des baillis royaux qui opérèrent au nom du sceau royal dès mars 1303.

La vicomté du Carladès

Le Carladès doit son nom à la forteresse aujourd’hui disparue, bâtie à Carlat , sur un pic basaltique entre Haute-Auvergne et Rouergue, à quelques vingt kilomètres d’Aurillac. Il apparut pour la première fois dans des documents du Xème siècle. Il changea de nombreuses fois de maîtres et son destin est inséparable de celui de la Haute-Auvergne.
– du Xème au XIème siècles : le Carladès subit l’influence de la politique des princes du Sud, les puissantes familles de Milhaud, de Provence et de Barcelone.
– Au XIIème siècle : le Carladès appartenait au roi d’Aragon et le domaine utile au comte de Rodez.
Du duc de Berry aux ducs d’Armagnac et de Bourbon
– Au XIVème siècle : La vicomté entra par alliance dans la maison de Pons, grande famille du Sud-ouest. Renaud VI de Pons reconnaissait comme suzerain le duc de Berry qui avait reçu du roi les duchés d’Auvergne et de Berry en dédommagement des accords du traité de Brétigny qui cédait le Poitou aux Anglais.
En 1392 Jean de Berry acheta à Renaud VI de Pons la vicomté de Carladès qui demeurait la plus grande seigneurie de la Haute-Auvergne.
– Marie, une de des filles de Jean de Berry obtint en héritage le duché d’Auvergne et épousa Jean, duc de Bourbon. Le duché vint donc enrichir les immenses possessions des Bourbons. Le Carladès revint à sa sœur, Bonne remariée à Bernard VII, comte d’Armagnac.
Dans les années 1420, Bernard d’Armagnac résidait au château de Carlat. Familier du roi Louis XI, , il épousa sa cousine, Louise d’Anjou. Cependant sa participation à la rébellion nobiliaire contre le roi, qu’on appela la Ligue du droit public, lui valut d’être exécuté en 1477.

■ Vers 966 – 969, des seigneurs locaux s’affrontèrent. Astorg de Brezons, dit « le taureau rouge », qui régna en maître sur la  planèze sanfloraine, s’opposa à son suzerain Amblard de Nonette, dit « le mal hiverné ». Pour se faire pardonner ses crimes, Astorg fit don à l’ordre de Cluny, du Mont Incidiac et de ses dépendances à l’emplacement du site de Saint-Flour.
Cette donation fut contestée  par Amblard de Nonette avant qu’il n’aille l’approuver auprès du Pape lors d’un voyage à Rome pour obtenir le pardon de ses fautes. En 1025, Odilon de Mercœur, abbé de Cluny, reçut du Pape les terres d’Amblard de Nonette pour cinquante ans. Il créa alors à Saint-Flour un prieuré dont l’église fut consacrée par le Pape Urbain II. Bénéficiant de la protection royale, la ville se développa aux XIIIème et XIVème siècles et devint la capitale de la Haute-Auvergne.

■ Quant à Aurillac, elle doit sa naissance à la sollicitude du comte Géraud, qui y fit édifier une abbaye en 894. La ville se développa alors autour de l’abbaye qui accueillait des pèlerins venus se recueillir devant le reliquaire de saint Géraud; placée sous la protection pontificale, elle se dota très vite d’une école de monastique qui « eut comme illustre élève Gerbert. Après des études en Espagne, celui-ci devint écolâtre de Reims, abbé de Bobbio, archevêque de Reims et de Ravenne. Ce « faiseur de roi » qui contribua à l’élection d’Hugues Capet et à l’éducation de Robert le Pieux et d’Otton III, fut élu pape sous le nom de Sylvestre II.

Autour de l’An Mil, la Haute-Auvergne put s’enorgueillir d’avoir fait naître les deux plus importants personnages de la chrétienté : le pape Sylvestre II et l’abbé de Cluny Odilon de Mercœur. Dans beaucoup d’autres lieux (tels Mauriac, Maurs, Montsalvy…) un monastère servait de point d’appui à la vie urbaine de petites cités. Parallèlement, des seigneurs construisirent des châteaux d’abord fait de bois puis de pierre, contrôlant à la fois les campagnes et les voies de communication.

■ Louis VIII, en léguant toutes ses terres à son fils Alphonse de Poitiers par son testament de 1225, ouvrit une nouvelle ère pour la Haute-Auvergne. L’héritier institua un  » bailli des montagnes d’Auvergne  » afin de rétablir l’ordre dans les campagnes, en s’opposant au brigandage et aux petits féodaux et en arbitrant les conflits entre les citadins et leurs seigneurs religieux.  L’opposition entre les aurillacois et leur seigneur-abbé fut très vive durant tout le XIIIème siècle. Ce n’est qu’après une longue lutte, en signant les  » paix d’Aurillac « , en 1280, 1298 et 1347, que la ville obtint la liberté de se gouverner seule en s’appuyant sur six consuls. D’autres villes obtinrent aussi leur liberté : Mauriac en 1246, Saint-Flour en 1249, Murat en 1263, Montsalvy en 1270 et La Roquebrou en 1283. Lorsqu’en 1271, Alphonse de Poitiers mourut, sans enfant, ses terres revinrent à la couronne de France.

■ Durant la Guerre de Cent Ans, le territoire Cantalien placé à la frontière des possessions anglaises d’Aquitaine, subit les assauts des Routiers. Ceux-ci n’épargnèrent aucune cité : Murat, Vic-sur-Cère, Chaudes Aigues. Seule Saint-Flour, « la clé du Royaume par-devers la Guyenne  » selon l’expression  de Charles VII, réussit à maintenir sa liberté face aux assaillants derrière de solides fortifications. La Peste Noire, s’ajoutant aux malheurs des temps, marqua les populations au milieu du XIVème siècle. Le retour au calme s’effectua aux XVème et XVIème siècles. Mais les progrès du protestantisme engendrèrent, comme dans le reste du Royaume de France, des luttes entre huguenots et catholiques. Les protestants d’Aurillac étaient inquiets, l’un d’eux fut brûlé vif en 1553 et l’agitation s’amplifia. Entre 1561 et 1581, huguenots et catholiques s’affrontèrent en de violents combats avec des assauts menés contre les plus grandes cités, des massacres et des occupations de villes. Le ralliement d’e la Haute-Auvergne à Henri IV après son abjuration mit fin à cet épisode tragique.

Le pouvoir royal qui s’affirmait progressivement sur l’ensemble du royaume ne put accepter l’agitation nobiliaire. Les forteresses les plus importantes du Cantal furent démantelées au cours du XVIIème siècle : Carlat, Pleaux, Calvinet, Murat… La situation du peuple ne s’arrangeait pas : famines et épidémies sévirent à Aurillac en 1628 et 1693, la misère souleva les paysans dans l’est du Cantal de 1635 à 1637 dans la « Guerre des esclop ». Ce furent les compagnies de dragons qui rétablirent l’ordre lorsque de nouveaux troubles agitèrent la planèze de Saint-Flour après le terrible hiver 1708 – 1709. Malgré tout, quelques progrès se dessinèrent dans différents domaines. L’artisanat se développa dans les villes : chaudronnerie, orfèvrerie, papeterie. Une manufacture de dentelles fut créée à Aurillac en 1665. L’institution des haras, à Aurillac en 1663, souligne l’importance que l’on voulait donner à l’amélioration de la race chevaline. L’ouverture de la Haute-Auvergne sur le monde extérieur se manifesta au XVIIIème siècle par l’amélioration des voies de communication, notamment par la création de la route reliant Aurillac à Saint-Flour par le col du Lioran.

■ En 1790, la Révolution consacra la Haute-Auvergne comme département du Cantal, organisé en quatre districts : Saint-Flour, Aurillac, Mauriac et Murat. Mais le choix du chef-lieu de département opposa rapidement Saint-Flour à Aurillac. Après avoir trouvé la solution de l’alternance, le chef-lieu se fixa définitivement à Aurillac. Le Cantal n’échappa pas à tous les soubresauts de la Révolution : grande peur, attaques de châteaux, tentations contre-révolutionnaires notamment Sanfloraines. Terreur pourchassant principalement les prêtres réfractaires, utilisation de la guillotine une dizaine de fois… Le Cantalien Jean-Baptiste Carrier, montagnard qui s’illustra de sinistre mémoire à Nantes, ne suscita toutefois pas de vocation dans le département.
La bourgeoisie locale se rallia sans difficulté à l’Empire, puis à l’ensemble des régimes politiques du XIXème siècle. L’amélioration des voies de communication, avec notamment le percement du tunnel du Lioran entre 1839 et 1847 et la mise en place d’un réseau ferré entre 1866 et 1910, modifia l’économie locale. Les labours reculèrent au profit des prairies, mais l’industrie ne se développa pas et le Cantal ne parvint pas à faire vivre la population. L’émigration était une nécessité pour les familles nombreuses; amplifiant une tradition ancienne, qui l’amenait dans le Languedoc, la Bretagne et même l’Espagne, le cantalien émigré vers d’autres destinations (à Paris, en Belgique, aux Pays Bas) grâce au chemin de fer.

■ Comme les autres fantassins d’origine paysanne, souvent en première ligne face à l’ennemi, les cantaliens payèrent un lourd tribut à la Grande Guerre. Cette saignée démographique se lit encore sur les monuments aux morts des communes rurales. Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, dans les combats du Lioran, du Mont Mouchet ou des Gorges de la Truyère, la Résistance manifesta l’affirmation du patriotisme cantalien, malgré les risques encourus tels que la prise d’otages de Saint-Flour, les déportations à Murat, les exécutions de Ruynes en Margeride et Clavières…